Pourquoi y a-t-il autant de coachs (3ème partie)

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3ème opus d’une série démarrée en février, visant à partager des réflexions sur la raison de l’essor du coaching et phénomène concomitant mais distinct, la multiplication du nombre de coachs. Puisque c’est un coach qui écrit, le titre ne peut être qu’une question. 

Pourquoi autant de coachs ? Le fil conducteur de cette réflexion est que le coach serait un individu produit par la société pour l’aider à se transformer ou trouver son équilibre dans un environnement changeant. Parmi les changements abordés, j’ai évoqué dans un 1er article le phénomène d' »extimité » décrit par Serge Tisseron. Le 2ème article abordait la mise sous tension (plus que remise en question) des corps intermédiaires

Dans ce 3ème opus, c’est avec une vision plus sociologique qui fait dialoguer société et individus et qu’est questionnée cette multiplication, à l’aune d’un mouvement d’individualisation qui n’est semble-t-il pas encore arrivé à son terme. P

our ce faire, comme dans le précédent article, la première partie est très largement inspirée d’une publication de Gilles Monceau en 2009 dans la revue Diversité (pp44-51) (https://doi.org/10.3406/diver.2009.3065). 

En deuxième partie, je compléterai cet apport en partageant des réflexions sur ce qui peut se passer pour le coach.

1) Une dynamique d'individualisation qui a toujours cours

L’auteur retrace une évolution de la pensée sociale et de sa déclinaison institutionnelle avec des phases qui se suivent de manière non complètement linéaires :

  • début 20ème Influence de la sociologie nord-américaine avec la vision d’un individu qui tend à son développement versus un individu soumis au développement de la société.

  • mouvements dans les 60’s avec une analyse critique de la bureaucratie et des organisations avec les travaux de M. Crozier et diffusion des travaux nord-américains en France. Renforcement de cette remise en question avec E. Goffman qui livre une lecture des institutions pouvant être aliénantes, totalitaires, rigides tout au moins. La société, ses institutions apparaissent comme liberticides et les mouvements de 68 en France et ailleurs l’illustrent. A noter que ce mouvement de questionnement s’accompagne d’une consommation forte qui amène chacun à viser un confort à la fois personnel et semblable aux autres avec l’american way of life

  • à la suite de ces mouvement jusqu’à aujourd’hui, E. Enriquez illustre le passage de l’universitas à la societas. D’une vision holistique où les individus sont déterminés par la société à une vision individualiste dans laquelle les individus font la société. La morale n’étant plus quelque chose de transcendant et porté par le collectif mais plutôt étant le fruit d’une construction dépendante du collectif plus réduit qui la porte. « Société liquide » décrite par Z. Bauman tandis que R. Castel évoque une double rupture de l’individualisation : « survalorisation des individus libérés des contraintes imposées […] et fragilité, vulnérabilité sans précédent de ces individus dépouillés de la protection jadis offerte de façon naturelle » (par les communautés et corporations) (Bauman 2007 cité par G. Monceau)

2) Individualisation et/ou individuation ?

  • Je vous propose de relire à un niveau social ce qui a été décrit à un niveau individuel dans le cycle d’autonomie (ou de dépendance selon l’angle par lequel on l’aborde) de Katherine Symor. L’individu tend à se développer en suivant une dynamique qui parcourt 4 étapes décrivant des modalités de relation de l’individu avec une autorité.
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Cycle de la dépendance de N. K. Symor

1) De la dépendance à la contre-dépendance : Un mouvement d’individuation qui fait se distinguer l’individu de son environnement et se distinguer en s’opposant => Emergence d’une contestation

2) De la contre-dépendance à l’indépendance : Je m’oppose puis me désolidarise. « Ce monde n’est pas le mien, ce que j’ai à vivre c’est … « => Emergence du développement personnel

3) De l’indépendance à l’inter-dépendance : je ne feins plus d’appartenir à un collectif en me focalisant sur moi mais je reconnais que je suis un élément du système, en interdépendance les uns avec les autres => Emergence du développement interpersonnel (phénomène sans doute plus à venir que déjà là)

4) Parce que je suis dans du changement permanent (moi, mes communautés, les environnements correspondants, le monde…) : je passe à nouveau, sur certaines relations ou certains pans de ma vie, de l’interdépendance à une nouvelle autonomisation à vivre.

3) Une autonomisation individuelle et collective

Ce cycle d’autonomisation montre que ce qui se passe pour les individus n’est peut être pas très différent de ce qui se passe à un niveau collectif. Et que la société, passée de la contestation à une indifférenciation, renoue avec la polarité du collectif pour réintégrer le giron de la société mais sous d’autres modèles que des organisations totalisantes et sclérosantes, en mode de pensée unique.

Pour aller vers une individuation plus grande, c’est à dire à intégration dans le Soi, des éléments qui jusque là étaient contradictoires, à un processus d’unification, nous passons par une phase d’individualisation. C’est à dire que pour être un peu plus moi, uni à ceux auxquels je suis relié ET distinct d’eux, je passe par des étapes d’opposition et de séparation.

C’est pour cela que le coaching professionnel apporte sans doute des éléments de réponse dans ce qu’elle propose comme accompagnement à la juste place, au juste positionnement de la personne en relation avec son organisation, ses enjeux professionnels, ses managers et salariés, ses associés et actionnaires, …

Dans la complexité et la multiplication de nos communautés d’appartenance, est-il possible de parler de manière pertinente d’une entité globale que serait la société française ? Il est sans doute possible de distinguer des tendances qui s’appliquent de manière différenciée selon les objets sociaux dont on parle. F. Monceau explique que l’Education Nationale sort d’un modèle d’uniformisation et tend à intégrer l’individualisation des apprentissages. Au niveau des entreprises, où les thèmes actuels tournent autour de la diversité, l’inclusion, la durabilité comme composantes désormais incontournable, il me semble que le coaching et la facilitation amènent des éléments de réponses à ces nouvelles formes de besoins de refaire du collectif, de renouer les liens de l’agir ensemble.